Le 3 juin dernier était inaugurée au Panthéon l’exposition de l’artiste JR. Mosaïque géante installée pendant un an à l’intérieur et à l’extérieur du monument, et notamment sur le dôme du bâtiment, l’exposition accompagne d’importants travaux de rénovation. Elle est faite de milliers de portraits de simples gens. C’est notre reflet photographique réfléchi sur les sols et les murs du lieu où reposent nos dieux d’aujourd’hui. Une rencontre entre nous et les pères et les mères de ce nous.
Depuis quelques années, pour ce genre de travaux, les musées et monuments font appel à d’immenses panneaux publicitaires qui couvrent les échafaudages en même temps qu’ils représentent une source de financement importante. Mais s’agissant du temple de la république où reposent les hommes et les femmes qui ont incarné par leur vie les valeurs de notre modèle de société, ce recours à la publicité semblait dérangeant et déplacé. Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments Nationaux, déclarait : « Je voulais valoriser l’espace mais pas avoir de publicité commerciale au-dessus des sépultures de Victor Hugo et de Jean Moulin».
Peu de Français, je pense, se trouveraient en contradiction avec le sentiment exprimé par Philippe Bélaval. Pourtant il ne s’agit que d’un sentiment, peut être d’une foi. Aucune loi n’interdit la publicité au-dessus des tombeaux des grandes figures de la nation. Juste un sentiment d’attachement, d’appartenance, de respect dû à des individus hors du commun qui nous ont par leur vie montré le chemin. Nous nous sentons redevables, nous voyons un sens à la fois à notre collectivité et à nos vies individuelles à travers leur vie, leurs œuvres.
Nous étudiants soufis, sommes mobilisés depuis maintenant plus de 3 mois sur des réseaux sociaux et à travers des manifestations en Europe et aux Etats-Unis, pour empêcher que notre emblème soit détourné et utilisé dans les publicités et sur des produits de mode de la marque Just Cavalli où il n’a pas sa place. Cet emblème réunit dans un langage symbolique les valeurs d’amour et de connaissance qui ne sont pas seulement les nôtres mais celles de toute l’humanité. Cet emblème dont nous sommes fiers, place la rencontre de l’homme avec sa propre réalité à l’apogée de la vie. Il fait de la rencontre entre l’homme et le créateur le but ultime de toute l’Existence. Ce thème n’est pas exclusivement soufi, il est universel. Le symbole que nous défendons appartient à ce courant universel et universaliste qui depuis l’aube de l’humanité a guidé les pas de la civilisation vers un but et une réalité qui transcende les intérêts restreints de tels et tels groupes. Les expressions diverses de l’universel ont à chaque fois fondé notre société mais aussi dépassé en grandeur ce que celle-ci était réellement capable d’atteindre et d’accomplir. Et comment une chose pourrait-elle être fondatrice d’un nous sans être plus grand que ce nous ? Le sacré à nos yeux est ce qui nous fonde et nous dépasse parce que justement fondateur.
Il ne s’agit pas pour nous, étudiants soufis – et donc musulmans – de prétendre comme, hélas trop souvent nous l’avons vu, que le sacré d’un groupe a plus de dignité que ceux des autres. Nous ne prétendons pas parler au nom de l’humanité, nous ne sommes qu’un fragment de notre humanité, mais un fragment infime qui par sa mobilisation, par son entêtement même à défendre un « simple » symbole, dit une chose importante à toute l’humanité à l’heure où celle-ci doute de ces valeurs: Dieu importe davantage que nos intérêts particuliers. Dieu c’est l’expression la plus vaste et la moins limitée à travers l’histoire, de notre effort de concevoir cet universel créateur et fondateur de toute vie et de toute société. Dieu c’est seulement un nom, tout comme un symbole n’est seulement qu’une représentation, mais ce sont ici le nom et la représentation de cette voix entêtante qui depuis l’origine murmure à l’intérieur de nous, pour nous appeler depuis note humanité à ne pas céder aux illusions d’une vie uniquement matérielle.
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