Pourquoi je demande le retrait du logo Just Cavalli ? L’atteinte au sacré ? Colère de voir une copie? Beaucoup de mes amis ici ou là ont exprimé ce sentiment. Bien sûr, la ressemblance entre les logos Just Cavalli et MTO laissent perplexe et pas seulement les élèves de MTO Shahmaghsoudi.
Bien évidemment aucun sacré n’est contenu dans un emblème ou un symbole qui n’est qu’une représentation, donc un objet de notre imaginaire; le sacré est dans nos cœurs et dans nos âmes et c’est bien là qu’il faut le rechercher et le veiller. Le sacré ne peut être atteint que par l’expérience individuelle, une rencontre personnelle qui se vit et se transmet de cœur à cœur, c’est ce qu’enseigne justement le symbole de MTO Shahmaghsoudi qui montre la rencontre de deux cœurs.
J’entends ceux qui disent – au nom de la liberté d’expression – que les élèves de MTO devraient cesser de s’offusquer du logo Just Cavalli, car, disent-ils, si leur symbole est sacré pour eux, il ne pourrait cesser de l’être juste à cause d’une marque de vêtement. Que disent ces critiques ? Que chacun de nous fait des choix subjectifs. En démocratie, les individus sont laissés libres de se définir eux-mêmes comme ils le souhaitent : supporter de foot, fan d’un chanteur, pratiquant d’une religion, patriote, etc. Toutes ces subjectivités peuvent coexister en paix tant qu’aucun n’exerce une censure ou une violence à l’égard de l’autre.
Je suis moi-même partisan de cette tolérance et j’ai choisi de vivre comme beaucoup d’élèves soufis dans des sociétés qui permettent une telle liberté. Non, si je demande à Cavalli de changer de logo, c’est pour deux raisons.
Premièrement, la similitude entre les deux logos est trop grande pour être ignorée. Il y a plusieurs décennies, lorsque MTO Shahmaghsoudi s’est installée en Occident, son logo a été dûment enregistré. On doit le considérer comme un bien culturel, une propriété intellectuelle et un apport spirituel. Si le droit, ou le bon sens que nous avons tous, ne le protègent pas, alors nous vivrons dans un monde où les plus riches et les plus puissants pourront capter à leur profit les richesses produites par d’autres.
A l’instar des firmes multinationales qui brevètent les variétés de riz ou de blés sélectionnées et cultivées depuis des siècles par des paysans, ou les plantes médicinales connues depuis l’antiquité par tel ou tel peuple ou tribu, les biens culturels et les productions spirituelles de l’humanités pourront devenir la propriété exclusive d’une infime minorité de milliardaires. Il suffira pour cela de produire une copie légèrement modifiée pour échapper au copyright, les puissants cabinets d’avocats faisant le reste.
Enfin parlons du sacré. Bien qu’il se cantonne jalousement à l’expérience individuelle, il s’agit d’une réalité de l’âme qui possède ses symboles et ses représentations. Nos sociétés, nos civilisations sont d’abord et avant tout fondées sur la mémoire d’expériences fondatrices d’individus hors du commun qui ont transformé notre vécu commun, notre vision du monde et de nous-mêmes, dans l’art, les sciences, la philosophie et disons-le aussi pour beaucoup dans les religions. Nous vivons tous, quelles que soient nos croyances, dans des sociétés qui doivent leur existence aux Lumières autant qu’aux Prophètes. Encore une fois, il ne s’agit pas qu’un groupe ethnique ou religieux impose son sacré à la société toute entière. A l’inverse, il s’agit d’éviter que les biens qui ne devraient appartenir qu’au patrimoine de toute l’humanité, ne soient abusivement accaparés par une minorité de puissants.